Turan Eslanloo


Eslanloo Turan, 31 ans

Comment as-tu connu Casa Alianza? 
J'ai connu Casa Alianza il y a environ 15 ans lorsqu'une volontaire partie sur le terrain est venue raconter son expérience dans le collège où j'étudiais.

Où et combien de temps es-tu partie?
Guatemala City – 5 semaines en novembre 2017.

Quelle est ta formation? 
Ingénieure en génie chimique.

Qu'est-ce qui t'a motivée à partir?
Mes motivations ont été multiples : en premier lieu c'est le témoignage de la volontaire qui m'a fait découvrir Casa Alianza qui m'a motivée à partir. Depuis que j'ai assisté à sa présentation, je me suis dit qu'un jour moi aussi je le ferai.  Ensuite il y a le fait que, pendant de longues années, j'ai fait du volontariat avec des jeunes en Suisse dans le cadre de l'Association du Scoutisme Genevois et le contact avec les jeunes, leur fraîcheur et leur spontanéité me manquaient beaucoup.
Je suis de langue maternelle espagnole et fascinée par l'Amérique Latine et je reste convaincue que la meilleure façon de découvrir un pays et sa culture est d'y vivre et d'y travailler. Enfin, c'est Margot, la coordinatrice de Casa Alianza Suisse, qui m'a convaincue que c'était maintenant le bon moment.

Quelles sont les tâches que tu as effectuées sur place?
Je suis arrivée sur place au début des vacances scolaires guatémaltèques pour renforcer l'équipe des enseignants. Mes trois axes de travail ont été les suivants :

  1. Formation des enseignants (qui pour la plupart n'ont pas de formation en pédagogie) aux méthodes de pédagogie active et à certaines méthodes de communication.
  2. Alphabétisation des jeunes filles qui n'avaient jamais eu l'occasion d'aller à l'école.
  3. Soutien à l'encadrement des activités de vacances.

Un fait marquant
Je crois que ce qui m'a le plus frappé lors de mon expérience à La Alianza c'est à quel point les situations que l'on rencontre avec les adolescentes qui habitent le foyer sont similaires et en même temps si différentes de celles que j'ai pu rencontrer avec les adolescents auxquels j'avais été confrontée jusqu'à présent.

Ce n'était pas la première fois que je tenais les cheveux d'une adolescente qui vomissait, mais c'était la première fois qu'elle vomissait parce qu'elle vivait une grossesse compliquée.
Ce n'était pas la première fois que je devais m'interrompre au milieu d'une leçon donnée à une jeune fille de 14 ans, mais c'était la première fois que je le faisais pour lui permettre d'allaiter son nouveau-né.
Ce n'était pas la première fois que je tenais dans mes bras une adolescente en pleurs, mais c'était la première fois que ses pleurs reflétaient un tel sentiment d'abandon et d'injustice que j'en suis restée sans voix.
Ce n'était pas la première fois que je déconseillais à une jeune fille de 13 ans de sauter à la corde d'une façon trop téméraire pour éviter qu'elle ne se blesse, mais c'était la première fois que je le faisais parce qu'elle était enceinte de 8 mois.
Ce n'était pas la première fois que je jouais avec une maman et sa fille de 3 ans, mais c'était la première fois que la maman avait 16 ans.

Une anecdote 
Je me souviens très particulièrement de ce jour où Mariela a commencé à écrire toute seule. Cela faisait environ 3 semaines que nous travaillions ensemble. Mariela est une jeune fille de 13 ans qui n'avait été à l'école qu'une semaine dans sa vie. Elle venait d'arriver à La Alianza et l'on ne savait pas encore qu'elle n'avait jamais appris à lire. Lorsqu'elle m'a vue travailler la lecture avec une autre fille, elle est venue me réclamer la même formation. Je n'ai jamais vu une telle motivation et volonté d'apprendre chez une si jeune personne. Alors que les autres filles en alphabétisation nécessitaient que je déploie toute mon imagination pour les stimuler et les motiver à étudier, Mariela me prenait de court en me réclamant des devoirs et elle a très rapidement su déchiffrer des mots. Ce jour-là, Mariela et moi étions assises dans le jardin, elle voulait que je lui montre comment on écrit abuela (grand-mère) puis Rodrigo, le nom de son cousin, puis Martin et enfin, elle a écrit Estela, toute seule, sans que je ne lui donne aucune indication. Le sourire qu'elle a eu à ce moment-là constitue l'un des plus beaux souvenirs de mon séjour au Guatemala.


Que fais-tu aujourd'hui?
Aujourd'hui je suis rentrée, j'ai repris mon travail d'ingénieure. Les jeunes filles de La Alianza me manquent, je pense souvent à elles et j'espère que je pourrai retourner les voir bientôt, même si je souhaite de tout cœur que la plupart d'entre elles aient pu quitter le centre, réintégrer leurs familles et trouvé un foyer aimant où elles puissent vivre le reste de leur adolescence en sécurité.

Eslanloo Turan

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