Partir sur le terrainUne expérience inoubliable
Noemi Heitmann
Comment as-tu connu Casa Alianza ?
Je m'étais intéressée à Casa Alianza, il y a trois ans déjà, après avoir terminé mes études. Malheureusement, à cause du Covid on a dû changer l'organisation de mon départ. Parmi plusieurs ONG, Casa Alianza était pratiquement la seule qui proposait un programme intégral de soins dont un accompagnement psychologique. Étant psychologue, et ayant déjà participé à plusieurs projets de volontariat dans d'autres pays toujours dans l'éducation, cette fois je cherchais quelque chose de plus spécifique, en lien avec mon parcours professionnel de psychologue clinique.
Je suis partie fin février 2024 pour quatre mois de volontariat auprès de La Alianza Guatemala.
Qu'est-ce qui t'a motivée à partir ?
J'adore voyager, découvrir de nouvelles cultures, approfondir l'aspect culturel à travers la connaissance de rituels, de mythes et de croyances. Je pense avoir trouvé la manière de pouvoir me dédier à mon travail de psychologue tout en voyageant et en cultivant mes intérêts personnels plus forts.
Quelle est ta formation ?
Je suis psychologue, et en ce moment en formation de psychothérapeute à orientation jungienne. À côté de ma formation d'analyste, j'ai terminé au début de cette année une spécialisation en psychotraumatologie, car je m'intéresse beaucoup au travail psychothérapeutique avec des victimes de traumas de natures différentes.
En quoi le suivi psychologique est-il primordial pour les enfants pris en charge par La Alianza ?
Personnellement, je considère le soutien psychologique essentiel dans ce contexte. Il s'agit d'un contexte où le soutien doit absolument se concentrer sur ce qu'en psychologie du trauma on appelle la phase de stabilisation. Les enfants qui intègrent La Alianza viennent de conditions extrêmement précaires, où l'insécurité faisait partie de leur quotidien et donc avec un manque de confiance envers les autres. Je devais donc toujours essayer de mettre à l'aise et en confiance la personne que j'avais en face de moi et ça peut prendre des semaines, même parfois des mois.
Il faut imaginer que non seulement ces enfants et adolescents ont vécu des événements très traumatisants, mais aussi que certains d'entre eux n'ont peut être jamais connu la sécurité, et que parfois des personnes très proches d'eux qui étaient censées en prendre soin, ont été celles qui les ont abandonnés, vendus, trahis.
L'autre thématique que je trouve essentielle à l'accompagnement psychologique en général, mais encore plus lorsqu'on est en face des enfants ou adolescents dont l'enfance/adolescence à été volée, c'est l'amour dans le sens plus large du terme.
Je me demande souvent, ces jeunes filles et garçons qui n’ont pas reçu suffisamment d’amour, ou qui l’ont reçu mais ont dû faire face à des situations de violence. Comment peuvent-ils avoir des objectifs de vie ? Comment croire dans un avenir meilleur, quand on a perdu toute confiance en l’être humain ?
À mon avis, c’est à nous, psychologues, psychothérapeutes, professeurs d’école et éducateurs de les aider à retrouver l’amour pour la vie. Notre tâche commune, avant tout autre projet de vie pensé pour elles/eux, c’est de les faire tomber amoureuses/eux de la vie. De leur faire désirer ce qu’elles/ils veulent devenir, de croire que c’est possible, de vouloir vraiment vivre leur vie.
Quel à été ton rôle en tant que psychologue volontaire à La Alianza Guatemala ?
En tant que psychologue volontaire à La Alianza j’ai eu l’opportunité de suivre des personnes en programme de réintégration familiale, c’est-à-dire les jeunes filles et garçons qui, à la sortie du foyer, se réinsèrent dans leur contexte familial. Une période de grands changements et d’instabilité émotionnelle. Je voyais chaque patient une fois par semaine, et j’ai pu également soutenir psychologiquement la maman d’une des filles prise en charge à La Alianza.
Une grande partie de ma journée à La Alianza était dédiée aux groupes thérapeutiques. J’ai eu la possibilité de conduire et accompagner six différents groupes avec les filles du foyer, groupes qui ont été formés avec l’aide du personnel selon l’âge et nécessités.
Les groupes avaient comme but commun la régulation émotionnelle, via la mise en place de divers instruments.. J’ai conçu les groupes en partant des besoins mentionnés par les filles au préalable. À partir de leurs besoins et en considérant les moyens d’expressions les plus adaptés pour chaque membre du groupe, j’ai formé six groupes, le premier s’appuyait sur des séries, un autre le dessin, la lecture de contes et poèmes… afin d’aborder le thème des émotions.
Enfin, j’ai proposé un projet d’expression artistique « Dibujando sueños », au sein duquel on a travaillé sur les rêves, les cauchemars et les fausses croyances autour de cela grâce à l’expression artistique. Le processus a été conclu avec une exposition artistique à l’intérieur du foyer, en collaboration avec le professeur d’art.
Une anecdote marquante ?
Je pense à tellement de moments que je pourrais partager, mais il ne faut en choisir qu’un.
Il y a presque deux mois, j’ai accompagné les filles à une sortie à la piscine. Il y avait toutes les filles, les professeurs et les éducatrices.
Une fille avec qui jusque-là je parlais de temps en temps mais pas beaucoup, m’approche dans la piscine et me demande si je peux lui apprendre à nager. On passe plus de deux heures à la piscine : d’abord je l’aide avec mon bras, puis de moins en moins… et elle veut vraiment réussir, elle me dit tout le temps de l’attendre un peu plus loin, qu’elle va le faire !
À la fin de la journée, elle a vraiment progressé et elle en est très fière.
Le jour d’après j’arrive au foyer, elle vient vers moi avec son bébé. Elle me dit : « Noemi, je te présente mon fils » et m’offre de le prendre dans les bras.
J’avais gagné sa confiance. C’est un moment très simple qui restera dans ma mémoire. Je pense que ça m’a permis de réfléchir à l’importance d’écouter ce que les filles nous demandent et cherchent à communiquer.
Comment as-tu vécu ton expérience ?
…De l’extérieur, je peux dire que j’ai eu une très bonne impression de l’équipe, avec une bonne collaboration entre les disciplines. Surtout, les personnes avec qui j’ai eu plus de contact, que maintenant j’appelle des amis, m’ont inspirée, en me transmettant leur engagement, leur amour pour les filles et leur humanité. Leurs qualités m’ont sûrement motivée à donner le meilleur de mon côté. Aussi, je profite pour remercier ces personnes, que je suis sûre vont se reconnaître dans mes mots, pour leur hospitalité, leur aide et les jolis moments passés ensemble…
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